L’activité physique ne se résume pas à une simple question de volonté personnelle. Nos choix quotidiens en matière de mouvement sont profondément influencés par l’environnement dans lequel nous évoluons. Au Québec comme ailleurs, la manière dont nos villes sont conçues, dont nos quartiers sont organisés et dont nos infrastructures sont pensées détermine en grande partie notre niveau d’activité physique. Un constat s’impose : l’aménagement de nos milieux de vie joue un rôle déterminant dans notre santé collective.
Cette réalité soulève des questions essentielles pour quiconque souhaite adopter un mode de vie plus actif ou comprendre les enjeux de santé publique contemporains. Comment transformer son environnement immédiat pour favoriser le mouvement ? Quels sont les leviers municipaux et gouvernementaux qui encouragent la mobilité active ? Quels impacts concrets ces choix d’aménagement ont-ils sur notre système de santé et notre société ? Cet article explore ces dimensions interconnectées pour vous donner une vision d’ensemble des liens entre urbanisme, activité physique et bien-être collectif.
Notre cadre de vie exerce une influence considérable sur nos habitudes quotidiennes. Les espaces que nous habitons, les bureaux où nous travaillons et les quartiers que nous traversons peuvent soit encourager la sédentarité, soit stimuler naturellement le mouvement. Cette approche, souvent désignée sous le terme de design actif, vise à intégrer l’activité physique dans la trame même de nos environnements.
Le design actif repose sur un principe fondamental : rendre le choix actif plus facile que l’option sédentaire. Concrètement, cela signifie concevoir des bâtiments où les escaliers sont visibles et attrayants plutôt que cachés derrière une porte grise, aménager des espaces publics qui invitent à la marche plutôt qu’à la circulation automobile exclusive, ou encore créer des parcours piétonniers agréables et sécuritaires. Au Québec, plusieurs municipalités ont commencé à intégrer ces principes dans leurs règlements d’urbanisme, reconnaissant que l’architecture et l’aménagement urbain sont des leviers de santé publique.
La notion de quartier marchable s’est imposée comme un critère important dans les choix résidentiels. Un quartier marchable se caractérise par plusieurs éléments mesurables :
À Montréal, des quartiers comme le Plateau-Mont-Royal ou Rosemont obtiennent des scores de marchabilité élevés, tandis que plusieurs banlieues conçues autour de l’automobile affichent des indices beaucoup plus faibles. Cette différence n’est pas anodine : les résidents de quartiers marchables accumulent en moyenne 30 à 40 minutes d’activité physique supplémentaire par jour simplement en vaquant à leurs occupations quotidiennes.
Avec la généralisation du télétravail, l’aménagement du bureau à domicile est devenu un enjeu de santé pour de nombreux Québécois. Un environnement de travail bien pensé peut contrer la sédentarité prolongée. Les stratégies efficaces incluent l’utilisation d’un bureau ajustable permettant d’alterner position assise et debout, le positionnement stratégique de l’imprimante ou du téléphone pour obliger à se lever régulièrement, ou encore la création d’un parcours intentionnel entre différents espaces de travail dans le logement. Certains vont jusqu’à adopter un chien actif, dont les besoins d’exercice imposent une routine de sorties quotidiennes bénéfiques pour toute la maisonnée.
La manière dont nous nous déplaçons constitue l’un des déterminants majeurs de notre niveau d’activité physique. Au Québec, la dépendance automobile reste marquée, particulièrement en dehors des grands centres urbains. Pourtant, le transport actif – c’est-à-dire la marche, le vélo et les déplacements en transport collectif qui incluent des segments piétonniers – représente une opportunité d’intégrer l’exercice dans le quotidien sans effort supplémentaire.
La dépendance automobile n’est pas qu’une question d’habitude personnelle ; elle résulte souvent de contraintes structurelles. Dans les régions où les distances sont grandes et les services dispersés, la voiture apparaît comme la seule option viable. Toutefois, même dans ces contextes, des stratégies existent pour réduire cette dépendance : regrouper ses déplacements pour favoriser certains trajets à pied ou à vélo, privilégier le covoiturage qui permet ensuite de marcher depuis le point de dépôt, ou encore utiliser le vélo pour les trajets de moins de cinq kilomètres. Des municipalités comme Sherbrooke ou Trois-Rivières développent actuellement des réseaux cyclables pour offrir des alternatives crédibles à l’automobile, même en contexte de ville moyenne.
Le transport actif ne se limite pas aux cyclistes sportifs ou aux marcheurs enthousiastes. Il englobe toute forme de déplacement propulsé par l’énergie humaine : marche utilitaire pour faire ses courses, vélo pour se rendre au travail, trottinette pour accéder à la station de métro, ou encore combinaison de transport collectif et de segments piétonniers. Cette dernière approche est particulièrement intéressante : un usager du métro de Montréal parcourt en moyenne 800 mètres à pied par déplacement, entre son domicile et la station, puis entre la station d’arrivée et sa destination finale. Ces courts segments s’additionnent pour constituer une part significative de l’activité physique quotidienne.
Les choix individuels et collectifs en matière d’activité physique ne restent pas sans conséquence. Ils se répercutent directement sur notre système de santé, déjà sous pression au Québec. Comprendre ces liens permet de saisir pourquoi les investissements dans les infrastructures favorisant le mouvement sont bien plus que des dépenses : ce sont des investissements en santé publique.
La sédentarité représente un fardeau économique considérable pour la société québécoise. Les maladies chroniques liées à l’inactivité physique – diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, certains cancers, troubles musculosquelettiques – génèrent des coûts directs en soins de santé et des coûts indirects en perte de productivité. À l’inverse, des études menées par l’Institut national de santé publique du Québec démontrent que chaque dollar investi dans des infrastructures favorisant l’activité physique génère entre trois et huit dollars d’économies en coûts de santé évités. Ce ratio impressionnant s’explique par la réduction de l’incidence de maladies chroniques coûteuses et par l’amélioration générale de la qualité de vie.
La crise que connaissent les urgences québécoises a des causes multiples, mais la prévalence des maladies chroniques liées au mode de vie sédentaire y contribue significativement. Les complications du diabète, les événements cardiovasculaires aigus ou les douleurs chroniques musculosquelettiques constituent une part importante des consultations. Une population plus active physiquement réduit mécaniquement la pression sur ces services : moins d’accidents vasculaires cérébraux, moins de crises cardiaques, moins de complications nécessitant des interventions d’urgence. Cette dimension préventive du mouvement, bien que moins visible que les interventions curatives, représente un levier fondamental pour alléger la pression sur le système de santé.
Les gouvernements municipaux et provinciaux disposent de leviers puissants pour créer des environnements favorables à l’activité physique. Ces leviers vont des investissements dans les infrastructures aux subventions ciblées, en passant par la réglementation en matière d’aménagement. Comprendre ces mécanismes permet de mieux saisir comment les politiques publiques façonnent nos possibilités de mouvement.
Les choix municipaux en matière d’infrastructures déterminent largement les opportunités d’activité physique offertes aux citoyens. Ces infrastructures incluent :
Des villes comme Québec ont développé un réseau de sentiers multifonctionnels qui permet de traverser une grande partie de la ville à pied ou à vélo, transformant ainsi le déplacement utilitaire en opportunité d’activité physique.
Au-delà des infrastructures physiques, les municipalités et le gouvernement du Québec offrent divers programmes de subventions pour encourager l’activité physique. Ces programmes peuvent soutenir des clubs sportifs communautaires, financer l’achat d’équipements pour les écoles, ou encore subventionner l’achat de vélos électriques pour favoriser le transport actif. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, de concert avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, déploie régulièrement des initiatives visant à promouvoir le mode de vie physiquement actif auprès de différentes populations.
Un enjeu crucial en matière d’activité physique concerne les inégalités d’accès aux infrastructures et aux programmes. Les quartiers défavorisés disposent souvent d’espaces verts moins nombreux et moins bien entretenus, d’installations sportives vieillissantes ou absentes, et de réseaux piétonniers de moindre qualité. Cette répartition inégale des opportunités d’activité physique renforce les inégalités de santé déjà présentes. Des initiatives comme les « rues-écoles » – temporairement fermées à la circulation aux heures d’entrée et de sortie des classes – ou l’implantation prioritaire d’infrastructures actives dans les secteurs défavorisés visent à corriger ces déséquilibres. L’objectif : garantir que l’activité physique reste accessible à tous, indépendamment du code postal ou du revenu.
Repenser nos environnements pour favoriser le mouvement n’est pas qu’une question d’urbanisme ou de santé publique isolée. C’est une approche intégrée qui reconnaît que nos choix collectifs en matière d’aménagement, de transport et d’infrastructures façonnent directement notre santé individuelle et collective. Au Québec, les initiatives se multiplient pour créer des milieux de vie qui encouragent naturellement l’activité physique, réduisant ainsi la pression sur notre système de santé tout en améliorant la qualité de vie. Chaque citoyen, en comprenant ces enjeux, peut faire des choix éclairés – tant dans son environnement immédiat que dans son engagement civique – pour contribuer à cette transformation vers des communautés plus actives et en meilleure santé.

L’inactivité physique ne représente pas seulement un coût, mais un arbitrage économique majeur pour le Québec, où chaque dollar public doit être optimisé pour un retour sur investissement sanitaire maximal. Les investissements préventifs, comme la prescription d’activité physique, génèrent un…
Lire la suite
Contrairement à l’idée reçue, la clé pour être plus actif ne réside pas dans l’achat d’un équipement de gym coûteux, mais dans le design subtil de votre environnement quotidien. Augmenter la « friction » pour les activités sédentaires (comme regarder la télé)…
Lire la suite